dimanche 5 octobre 2025

El cautivo / Cervantès avant Don Quichotte

  

Vendredi soir, c'est au cinéma Lumière Bellecour que nous nous sommes rendus après avoir fait une halte gourmande au Bistrot d'Odette. La salle n'est pas bien grande, les sièges sont un peu usés et c'est avec cinq autres personnes que nous sommes venus voir un film espagnol qui vient de sortir, El cautivo / Cervantès avant Don Quichotte de l'hispano-chilien Alejandro Amenabár (1972).
Il raconte une adaptation de l'histoire de la captivité à Alger de celui qui allait devenir sans doute le plus grand écrivain espagnol, Miguel de Cervantes (1547-1616) joué par le très séduisant Julio Peña Fernández (2000)

En 1575, Miguel de Cervantès rentre d'une campagne militaire en Italie à bord d'un navire sur lequel se trouvent une grande majorité d'espagnols : des aristocrates, des femmes, des enfants, des militaires, des prêtres. Leur bateau est arraisonné par les Maures qui les font prisonniers et les ramènent à Alger. Alors que le plus grand nombre est vendu comme esclaves et que Miguel s'apprête lui aussi à être bradé du fait de son infirmité au bras gauche, il tend un parchemin à l'un des Maures en lui disant qu'il occupe une place importante au Royaume d'Espagne. Les aristocrates et Miguel sont alors mis à part et retenus dans la cour du Palais du Pacha en attendant que leurs familles versent une rançon. Ces sommes d'argent sont apportées une fois par an par deux prêtres dont l'un est Fray Juan Gil. Cervantès a menti et n'est absolument pas une personnalité dans son pays. Il sait que personne ne versera une rançon pour lui. Pour éviter l'ennui et lui permettre d'élaborer des plans d'évasion, Miguel Cervantès commence à inventer et à raconter des histoires dans leur lieu de détention. Les autres otages sont passionnés par ses histoires et ne cessent de demander une suite. A l'étage du Palais, un auditeur est tout aussi passionné et ne tarde pas à convoquer Miguel. Il s'agit du mystérieux mais effroyable Pacha Hasán que tout le monde craint dans la Régence d'Alger...


Si Miguel Cervantès a bel et bien été pris en otage à Alger de 1575 à 1580, cette adaptation se base sur son éventuelle homosexualité qui n'a jamais été prouvée et qui ne repose que sur des doutes et des suppositions sur certains passages de sa vie. Peu importe sa réelle orientation, ici selon Amenabár, il préfère les hommes. Le film de 2h15 comporte parfois quelques longueurs mais il est plutôt réussi. Les histoires que Cervantès racontent donnent un air du conte Les mille et une nuits dans lequel Shéhérazade raconte une histoire chaque soir pour ne pas être tuée. Cervantès est en quelque sorte son penchant masculin qui lutte pour recouvrer sa liberté et celle de ses amis mais également pour cet amour naissant qui apparaît envers le Pacha. Qu'il aime une femme ou un homme n'aurait rien changé à cette belle histoire d'amour mais également histoire de tolérance, d'amitié, de liberté.  
Si le personnage de Cervantès est important, les autres le sont tout autant à commencer bien sûr par celui du maître des lieux, le Pacha Hasán mais également par le prêtre extrémiste Blanco de Paz et ses deux opposés, Antonio de Sosa et Fray Juan Gil. 
Amenabár nous offre une vision de ces deux religions qui s'affrontent pour convertir l'ennemi souvent par d'horribles atrocités. Certaines scènes sont d'ailleurs plutôt difficiles, celle par exemple de l'oreille coupée. Il nous présente une religion chrétienne dans son extrémisme le plus dur alors que l'islam est présentée comme bien plus indulgente et ouverte. 
On aime la manière d'amener la passion naissante entre le Pacha et Cervantès dans cette atmosphère, de richesse, d'opulence, de plaisirs qui contraste totalement avec celle des otages. 
Lors d'une tentative d'évasion, Cervantès et son groupe restent cachés avec l'aide d'un converti dans une grotte. Et bien cette grotte existe dans le quartier de Belouizdad à Alger où elle est appelée Grotte de Cervantès.  
Dès les premières images du film, on est transporté dans l'univers de Cervantès avec les deux silhouettes que tout le monde connait à savoir celles de Don Quichotte et de Sancho Panza. Plus tard viendront les moulins. 
Les images, les couleurs, la musique, les décors et surtout la V.O. nous transportent à cette époque lointaine et pourtant on se dit que finalement rien n'a bien changé depuis. On parie d'ailleurs combien que ce film ne sera pas autorisé de diffusion dans certaines régions de notre globe et parfois même dans des pays que l'on pensait ouvertement tolérant ?
El cautivo / Cervantès avant Don Quichotte est à conseiller.

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